wattie

vivre ou survivre?

Samedi 29 juin 2013 à 12:09

Vendredi 28 juin 2013 à 20:32

"elle m'intriguait, à cause de sa grande réputation d'intelligence et de son accoutrement bizarre [...] je réussis un jour à l'approcher. je ne sais plus comment la conversation s'engagea ; elle déclara d'un ton tranchant qu'une seule chose comptait aujourd'hui sur terre : la révolution qui donnerait à manger à tout le monde. je rétorquait, de façon non moins péremptoire, que le problème n'était pas de faire le bonheur des hommes, mais de trouver un sens à leur existence. elle me toisa: "on voit bien que vous n'avez jamais eut faim", dit elle. nos relations s'arrêtèrent là. je compris qu'elle m'avait cataloguée "une petite bourgeoise spiritualiste" et je m'en irritai. (simone de beauvoir à propos de simone weil encore adolescente)

(en 1932) son étude de la situation allemande lui fait comprendre que les révolutions prolétariennes annoncées par les marxistes sont dorénavant impossibles. l'impasse tient en partie au nombre de cols blancs -traditionnellement réticents à toutes alliance avec les cols bleus-, qui a grossi de façon inattendue durant l'essor capitaliste des années 20. de plus, la proportion de chômeurs fait en elle même barrage à la radicalisation des travailleurs, les patrons pouvant licencier à leur guise les employés trop rebelles.
l' inquiettant constat de simone lui confirme par ailleurs ce qu'elle soupçonnait depuis un certain temps: le parti communiste russe est irrémédiablement corrompu, de même que tous les partis qu'il chapeaute en europe. fait déplorable à ses yeux, les communistes allemands, que les nazis n'auront cesse de persécuter, ont eux mêmes contribué à l'ascension d'hitler en misant tous leurs efforts sur la défaite de leurs vieux ennemis, les sociaux démocrates. à la lumière de l'analyse historique contemporaine, les observation de weil frappent par leur lucidité.

son pessimisme se vérifie dans les derniers jours de janvier 1933, peu après la parution de ses articles sur l'allemagne: dans la foulée de l'incendie du reichtag, qui fait souffler un vent de panique sur tout le pays, hitler devient chancelier; il s'ensuit un exode massif de juifs, de syndicalistes, de communistes, de socialistes et autres tenants de la gauche. l'urss, de mèche avec hitler, ferme ses frontières aux communistes allemands." (!)

elle suit de près les évènements de berlin et se charge de trouver un toit à quelques uns des réfugiers allemands qui affluent par centaines en france. une procession d'exilés -dont beaucoup sont certainement des parasites et des agents doubles- profitent ainsi de l'hospitalité des weil, dont la patience est mise à rude épreuve. l'un d'eux, un socialiste doté d'un appétit gargantuesque, confie à mme weil le soin de repriser ses chaussettes et son linge pour ensuite lui reprocher d'avoir mal fait l'ouvrage. un autre, un célèbre ex-militant trotskiste du nom de kurt landau, la harcèle de ses théories politiques et court se réfugier dans une chambre du fond chaque fois que le fils de trotski sonne à la porte"


"premier biographe de staline, critique aussi lucide qu'incisif de l'urss, souvarine est devenu un ami cher à simone et il n'est pas étranger à sa virulente opposition au régime soviétique, très marquée à partir de 1933. dans le cadre de nombreuses réunions syndicales auxquelles elle participe tout comme dans ses écrits, simone compare maintenant le communisme russe au national socialisme d'hitler. malgré ce que prétend trotski, argue t elle, le régime russe n'est pas une déformation bureaucratique de la dictature du prolétariat promise par marx, mais bien une autre forme de fascisme. lénine et trotski ont exploité la classe ouvrière avec aussi peu de scrupules qu'un capitaliste de la pire espèce, et avec des résultats aussi désolants pour les travailleurs. dans aucun pays, même au japon, les masses travailleuses ne sont plus misérables, plus opprimées, plus avilies qu'en russie, écrit elle.elle dénonce également le fanatisme soigneusement cultivé que le régime stalinien a excité chez son peuple, l'amenant à accepter ses souffrances avec un mélange de dévouement mystique et de bestialité sans frein. en dernière analyse, le régime issu de la glorieuse révolution d'octobre s'est transformée en un système qui anéantirait méthodiquement toute initiative, toute culture, toute pensée.
les vues résolument antisoviétique que simone défend dans perspective. allons nous vers la révolution prolétarienne? sont admises aujourd'hui comme partie intégrante de notre zeitgeist. il faut cependant rappeler à quel point, en 1933, elles pouvaient paraître hérétiques dans les milieux gauchistes.
[...] le leader syndical marcel martinet estime que rien d'aussi brillant n'a été écrit depuis rosa luxembourg; boris souvarine voit en simone le seul cerveau que le mouvement ouvrier ait eu depuis des années.

"la révolution russe a évolué un peu comme la française" (de 1789) "la nécessité de lutter par les armes contre l'ennemi intérieur et extérieur [...] a causé la mort des meilleurs et a contraint le pays à se livrer à une dictature bureaucratique, militaire et policière qui n'a de socialiste ou communiste que le nom... la corruption du régime russe a entraîné celle des partis communistes, qui sont entièrement entre les mains de moscou. le parti communiste allemand a de grandes responsabilités dans la victoire d'hitler. le parti français recommence les mêmes bêtises criminelles."
"simone juge aussi le journal l'humanité qu'elle juge coupable d'autant de mensonges que la droite. elle renonce à l'idée de révolution, de plus en plus convaincue que cette forme de lutte finit par engendre de nouvelles formes d'oppressions."


 passages tiré de la biographie de simone weil par francine du plessix gray aux éditions fides


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